Il ne reste plus que 2 rhinocéros blancs du Nord sur Terre avant leur extinction

Voici la lutte contre l'extinction des rhinocéros blancs du Nord, les deux derniers survivants et les efforts pour sauver cette sous-espèce.

© Il ne reste plus que 2 rhinocéros blancs du Nord sur Terre avant leur extinction

Un consortium mondial de scientifiques lutte actuellement pour sauver le rhinocéros blanc du Nord, qui est à deux femelles près de l’extinction. Une espèce qui bénéficie désormais de l’aide de la société américaine de biotechnologie Colossal. Cette dernière a pu ressusciter des espèces disparues telles que le mammouth laineux, le dodo et le tigre de Tasmanie.

Une tâche assez difficile à réaliser

Thomas Hildebrandt, directeur du consortium BioRescue et expert en reproduction des animaux sauvages à l’Institut Leibniz de recherche sur les zoos et les animaux sauvages de Berlin, en Allemagne, admet qu’il était initialement réticent à travailler avec Colossal.

« Je n’aime pas l’idée de recréer des mammouths et d’appeler cela un projet de conservation », explique-t-il. Cependant, il admet que les outils de Colossal pourraient contribuer à restaurer une population saine de rhinocéros blancs du Nord.

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Source : capture instagram

« Nous voulons sauver une espèce clé, qui a joué un rôle crucial dans un écosystème complexe d’Afrique centrale », explique M. Hildebrandt. « Nous avons encore le temps de ramener les rhinocéros. Et nous espérons vivement parvenir à la première réintroduction du rhinocéros blanc du Nord d’ici 10 à 20 ans ».

Le fondateur et PDG de Colossal, Ben Lamm, explique que la participation de l’entreprise illustre comment son investissement de 225 millions de dollars (environ 210 millions d’euros) dans la « dé-extinction » peut également stimuler la conservation des espèces vivantes avant qu’elles ne disparaissent.

« La plupart des mesures de conservation sont axées sur la préservation des terres, la lutte contre le braconnage (….), mais lorsqu’il ne reste plus que deux femelles, il faut recourir à des technologies plus avancées », explique M. Lamm.

Il espère que sa « boîte à outils de la dé-extinction pourra être utilisée par les groupes de conservation et les gouvernements du monde entier pour sauver les espèces ».

Recherche de solutions de dernière minute

Les rhinocéros blancs, originaires d’Afrique subsaharienne, se divisent en deux sous-espèces : ceux du sud et du nord.

Les braconniers tuent les rhinocéros pour leurs cornes. Ensuite, ils les vendent sur le marché noir pour la médecine traditionnelle et les sculptures. Cela décime alors les populations de rhinocéros. À la fin du XIXe siècle, il ne restait plus qu’une vingtaine de rhinocéros blancs du Sud.

Un siècle plus tard, les efforts de conservation ont permis de porter leur nombre à environ 16 000 rhinocéros en Afrique de l’Est et en Afrique australe. Le rhinocéros blanc du Nord, quant à lui, s’est éteint à l’état sauvage en 2008. Ainsi, il ne laisse qu’une poignée de survivants dans les zoos.

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Les derniers rhinocéros blancs du nord

En 2009, les quatre derniers rhinocéros blancs du Nord reproducteurs (deux femelles et deux mâles) ont quitté par avion le zoo de Dvůr Králové en République tchèque. Ils partent alors pour Ol Pejeta Conservancy au Kenya, une organisation à but non lucratif située au pied du mont Kenya.

Certains défenseurs de l’environnement estimaient que les rhinocéros auraient de meilleures chances de se reproduire dans la nature. Sous la protection de gardes armés 24 heures sur 24, les animaux s’accouplent. Toutefois, les femelles n’arrivent toujours pas à tomber enceinte.

En 2013, l’un des mâles, Suni, est mort subitement d’une crise cardiaque. Peu après, Hildebrandt a fait une découverte décevante en examinant la femelle Najin et sa fille Fatu. Toutes deux souffraient de maladies qui les empêchaient de mener à bien une grossesse.

Une autre tragédie s’est produite en 2018, lorsque Ol Pejeta a dû prendre la décision déchirante d’euthanasier Sudan. À 45 ans, il est donc le dernier rhinocéros blanc du Nord mâle au monde. Après qu’une infection à la jambe et une maladie liée à l’âge se soient aggravées, il ne pouvait plus se tenir debout.

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Dernier espoir pour les rhinocéros blancs du Nord

À ce moment-là, il était devenu évident que la fécondation in vitro serait le seul espoir de sauver l’espèce. Samuel Mutisya, responsable de la conservation à Ol Pejeta, explique les faits.

Le 22 août 2019, Hildebrandt et une équipe de vétérinaires ont réussi à prélever des ovules sur Najin et Fatu. C’était la première fois qu’ils pratiquaient la procédure sur des rhinocéros blancs du Nord.

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Ils transportent rapidement ces œufs à Aventea, un laboratoire privé italien spécialisé dans la reproduction animale. Là, le scientifique fondateur Cesare Galli les a inséminés artificiellement avec du sperme congelé prélevé sur des rhinocéros blancs du Nord mâles avant qu’ils ne meurent dans des zoos.

Depuis, d’autres collectes d’ovules ont permis à Galli de créer 29 embryons de rhinocéros blanc du Nord.

L’équipe de BioRescue souhaite implanter prochainement l’un de ces embryons dans une mère porteuse rhinocéros blanc du Sud. Cela, dans le but de produire un petit en bonne santé d’ici 2025. Ce petit serait génétiquement considéré comme un rhinocéros blanc du Nord.

« Nous devons produire un petit assez rapidement parce que nous voulons aussi sauver l’héritage social (langage et comportement) des deux derniers rhinocéros blancs du Nord. Ils ne peuvent pas apprendre cela des rhinocéros blancs du Sud », explique M. Hildebrandt.

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Comment fonctionne la dé-extinction

Quel est le rôle de Colossal ? Sa technologie génomique est essentielle. Par exemple, dans le cadre de son initiative de lutte contre l’extinction des mammouths laineux, l’entreprise s’efforce d’incorporer dans l’ADN des éléphants des gènes présentant des caractéristiques semblables à celles des mammouths, telles que la tolérance au froid et la fourrure hirsute.

L’objectif est de produire des embryons de ces éléphants ressemblant à des mammouths. Alors, ils pourront être implantés dans des mères porteuses éléphantesques vivantes.

En comparaison, le projet sur les rhinocéros est ce que Lamm appelle un « sauvetage génétique ». Au lieu de reconstituer une espèce, les chercheurs extraient l’ADN de spécimens de rhinocéros blancs provenant de musées d’Afrique du Nord. Ainsi, ils peuvent déterminer la diversité génétique que la population a perdue.

L’étape suivante consisterait à utiliser des outils d’édition génétique pour réintroduire la diversité génétique dans les cellules utilisées pour créer des embryons. Ce qui pourrait alors contribuer à protéger un futur troupeau contre les maladies et d’autres menaces.

« C’est un jeu lent », déclare M. James. « Mais au fur et à mesure que nous développons ces technologies, nous serons en mesure d’accroître la population plus rapidement….. de notre vivant, nous verrons les rhinocéros du Nord revenir dans leur aire de répartition ».

Pas de solution miracle

Certains critiques affirment que des mesures aussi extrêmes pour sauver une espèce du bord du gouffre (ou la ramener de l’au-delà) prennent du temps, de l’attention et des ressources. Et ce, au détriment d’autres animaux menacés qu’ils pourraient sauver de manière conventionnelle et pour beaucoup moins d’argent.

Stuart Pimm, spécialiste de l’extinction des espèces sauvages et de la gestion de la conservation à l’université Duke (États-Unis), s’oppose fermement à la dé-extinction, car il craint qu’elle « donne aux gens l’excuse de laisser des espèces s’éteindre et de dire ensuite que nous pouvons les maintenir en vie dans une éprouvette ».

Les efforts pour sauver le rhinocéros blanc du Nord peuvent porter leurs fruits. Néanmoins, le scientifique reste inquiet : « Même si cette technologie fonctionne, comment allons-nous ramener ces animaux à l’état sauvage ? Nous avons perdu les rhinocéros du Nord parce que nous avons détruit leurs habitats et parce qu’ils ont été braconnés ».

James, de Colossal, affirme que son travail avec les rhinocéros blancs du Nord, ou toute autre espèce menacée à l’avenir, n’est pas une solution « miracle » pour prévenir les extinctions. « Nous fournissons un outil innovant très complet », dit-il. Par ailleurs, il déclare : « mais il doit se marier directement avec le travail de conservation traditionnel ».

M. Pimm reconnaît qu’il serait tragique de perdre le rhinocéros blanc du Nord.

« Deux rhinocéros qui se battent constituent l’un des spectacles animaliers les plus extraordinaires qu’il m’ait été donné de voir. Ils sont tellement grands et rapides qu’ils se poursuivent avec une intensité incroyable. On a l’impression que la terre tremble sous nos pieds ».